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samedi 2 juillet 2011

TONING : Pitch the Drone [Stunned Records]



Contrairement à ce que pourrait suggérer le titre de cette seconde cassette de l'Américain Cody Brant sous l'identité de Toning, de drone il ne sera guère question ici, ou si peu. Membre de la formation live de Smegma et actif dans divers groupes de Portland, l'une des nouvelles Mecques de la scène noise nord-américaine, Brant préfère jouer sur la répétition hypnotique de fragments d'électronique old-school vibrionnant lentement dans un univers de voix désincarnées, de cloches lointaines, de craquements et de souffles de bandes. Hypnotique, tribale même, la musique de Pitch The Drone sonne comme la redécouverte de fragments archéologiques d'une civilisation perdue dans les limbes du temps, porteuse, sous la marque de l'érosion, d'un langage incompréhensible et pourtant familier (le fantastique « Good Going » est à cet égard exemplaire). En huit titres courts, comme autant de miniatures dépouillées de tout sauf de l'essentiel, Pitch the Drone nous offre une petite demi-heure riche de centaines de possibles. 

COMPILATION : A Witch House and Okkvlt Guide to Twin Peaks / PWIN ▲▲ TEAKS : Inside the Black Lodge [Phantasma Disques]





Avec son esthétique, mêlant une apparente nostalgie pour des fifties fantasmées à la noirceur de meurtres et de perversions, le tout sur fond de mondes parallèles, et sa manière de laisser planer le doute et le mystère sans donner une vérité unique et acceptable, Twin Peaks, la série culte de David Lynch et Mark Frost, qui déchaine encore, vingt ans après sa diffusion initiale les interprétations les plus folles, ne pouvait que constituer une référence pour les artistes witch house, dont tout l'univers est finalement fait du même cocktail de réappropriation nostalgique et de dynamitage des limites du réel. Publié à tout juste cent vingt cinq exemplaires en CD-R sur Phantasma Disques (le label de Cosmotropia de Xam et Mater Suspiria Vision), A Witch House and Okkvlt Guide to Twin Peaks est donc un événement à part entière, et sans doute la meilleure évocation du monde la Loge Noire dont l'existence ne cesse d'influencer les comportements des habitants de la petite ville de Twin Peaks. Constitué en majeure partie d'inconnus, mis à part les incontournables Mater Suspiria Vision et la présence inattendue de Kim Cascone, collaborateur de David Lynch sur la série, A Witch House and Okkvlt Guide to Twin Peaks parvient dans l'ensemble à éviter les travers courants de la witch house (ralentissement et distorsion abusive) pour offrir de vraies réinterprétations de moments ou d'ambiances clés de la série. Ainsi, lorsque Black Lodge Cave entrecroise des dialogues de Laura Palmer et Bob sur fond d'électronique eighties dévorée par l'entropie, ou lorsque Mater Suspiria Vision opère un collage des sept derniers jours de Laura Palmer sur un beat sec, c'est tout Twin Peaks qui ressurgit devant nous, tandis que Angst réalise un titre hypnotique et aliénant autour d'une simple phrase de Dale Cooper (« keep the fear from your mind »), qu'Excepter atomise en un peu plus de trois minutes l'ensemble de la participation de Julee Cruise, et que Silver Strain délivre une new wave qui pourrait être innocente si elle n'était dévorée de l'intérieur par des sonorités rugueuses. Une réussite superbe, et sans doute la meilleure évocation sonore de l'oeuvre de David Lynch qui ait jamais été publiée. Bizarrement absent de la compilation (mais figurant sur le volume 2 à venir), Pwin ▲▲ Teaks offre sa propre version au long cours de l'univers de la série sur Inside the Black Lodge, où le clin d'oeil et la référence se font moins évidents, mais où l'influence est sans doute encore plus prégnante. En trois titres, dont deux avoisinent les vingt minutes, Pwin ▲▲ Teaks construit un paysage de nappes synthétiques froides, de beats oppressants et d'ambiances crispantes. Que l'on soit dans, ou en dehors de la Loge noire, pas question ici de retrouver les ambiances douces-amères de Lynch. Tout n'est que menace rampante et chausse-trappes multiples. Fire walks with them !

JFM

En guise d'introduction...

Le disque est mort nous dit-on un peu partout, comme une sentence définitive destinée à sceller le sort de la musique toute entière. Dont acte... le disque est mort, et pourtant... Pourtant, partout de par le monde, dans les configurations les plus improbables, la musique indépendante « sombre » et expérimentale ne s'est finalement jamais aussi bien portée : qu'ils soient noise, drone, expérimentaux, post-industriels ou franchement autres, les labels se multiplient à une vitesse exponentielle, ressuscitent des formats qui, eux aussi, avant le CD, avaient été déclarés comme morts, à l'instar de la cassette ou du vinyle, investissent le net et réinventent des circuits de diffusion nouveaux, qui se moquent des schémas connus. C'est pour cela, et parce que nous aimons la musique de manière déraisonnable qu'est né Signal Bruit. Un blog où les labels « en place » auront certes leur place, mais au même titre que les microlabels, les netlabels et les podcasts, un lieu où, en toute indépendance, nous pourrons partager avec vous coups de coeur et découvertes. Un blog qui se doublera très vite d'une série de mixes réalisés par des artistes invités, parce que si l'on aime écrire sur la musique, on apprécie surtout de l'écouter. Nous espérons que la route sera longue et fertile, et que vous prendrez plaisir à la parcourir avec nous.